Alonso de Contreras

Alonso de Guillén, plus connu sous le nom d’Alonso de Contreras (Madrid, 6 janvier 1582-1645, selon les archives de Simancas), était un soldat, corsaire et écrivain espagnol, auteur d’un mémoire (Discurso de mi vida) qu’il écrivit peut-être à la demande de son ami Félix Lope de Vega. Il s’agit de l’une des rares autobiographies de soldats espagnols ayant servi dans l’armée des Habsbourg, et de son exemple le plus remarquable, avec l’Historia verdadera de la conquista de la Nueva España (Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne) de Bernal Díaz del Castillo.

Biographie

Alonso de Guillén Contreras est l’aîné des huit enfants de Gabriel Guillén et Juana de Roa y Contreras, mariés en 1567 dans l’église paroissiale de San Miguel à Madrid. Il prend le nom de sa grand-mère maternelle lorsqu’il s’engage dans l’armée. Très jeune (12 ou 13 ans), après avoir poignardé un camarade de classe qui mourut, il fut banni pendant un an à Ávila dans la maison d’un de ses oncles, prêtre de Santiago. Une fois sa peine purgée, il revient et sa mère lui trouve une place d’apprenti chez un orfèvre, mais son caractère rebelle le pousse, à l’âge de 14 ans, à s’enrôler dans l’armée de Flandre du prince cardinal, l’archiduc Albert d’Autriche, qu’il quitte le 7 septembre 1597.
Il quitte son unité pour Naples puis Palerme afin d’embarquer sur les galères de Pedro Álvarez de Toledo et de Colonna, qui luttent contre les Turcs et les pirates barbaresques. Depuis leur base de Malte, les Chevaliers de Religion effectuent des raids sur les navires des Turcs et de leurs alliés en Afrique du Nord et en mer Égée. Ils agissent parfois de manière indépendante, parfois en se regroupant pour des missions plus importantes, comme lors de la prise de Hammamet (la Mahometa), en Tunisie. C’est là que Contreras apprend l’art de la navigation.

En 1601, il reçoit le commandement d’une frégate et est chargé de surveiller les îles grecques et d’espionner les activités des Turcs, dont il maîtrise la langue. Il alterne ces activités avec celles de corsaire. Il réussit notamment à s’infiltrer à Thessalonique pour enlever un percepteur juif, chargé de collecter le tribut pour le Grand Turc, et à capturer la très hongroise maîtresse du Soliman de Catane – sa tête est mise à prix et il retourne en Espagne.

En 1603, il est promu enseigne d’infanterie. Coureur de jupons, il a une maîtresse, mais finit par la quitter. Il épouse finalement la veuve espagnole d’un oidor en Sicile en 1606, mais la tue en 1608, ainsi qu’un ami avec lequel il était infidèle. Après cet événement, il retourne à Madrid pour chercher la Sargentería mayor de Sardaigne.
Après avoir tenté sans succès de faire carrière à la cour, il se retire dans un ermitage près d’Agreda, dans le Moncayo, en tant qu’ermite, mais il en est extrait en 1609, accusé d’être le meneur ou le roi d’une rébellion maure et est jugé pour cela par le maire de Casa y Corte Gregorio López Madera. On a prétendu que les armes trouvées dans une maison maure à Hornachos étaient les siennes, et on n’a pas tenu compte du fait qu’il était dans l’exercice de ses fonctions. Le fait qu’il se soit retiré à Moncayo a joué en sa défaveur, car on pensait qu’il avait l’intention d’établir une place forte à un point stratégique entre la Castille et l’Aragon.

Bien qu’il soit acquitté, après avoir aidé à réprimer une rébellion de Maures expulsés près d’Alcoy, il part pour les Flandres, dans la garnison de Cambrai, où il sert en tant qu’officier. Il obtient ensuite un congé pour retourner en Méditerranée, avec une recommandation au Maître de l’Ordre de Malte, et rejoint l’Ordre en 1611 (sur son chemin, il est pris pour un espion et emprisonné comme tel en Bourgogne).

De caractère querelleur, il est impliqué dans un certain nombre d’affaires qui le conduisent plus d’une fois à l’arrestation. Il atteint le grade de capitaine d’infanterie et participe à une expédition aux Antilles, où il agit à nouveau comme corsaire au large de Porto Rico contre Sir Walter Raleigh, qu’il mentionne sous le nom de « Guatarral » en 1616.
En 1621, on apprend que la fortification de La Mámora est assiégée par les Maures sur la terre ferme et par des navires turcs et hollandais ancrés sur la côte pour empêcher le ravitaillement par la mer. Contreras demanda et obtint l’autorisation d’envoyer une force pour apporter des munitions et des provisions aux assiégés. En quittant Cadix, ils parvinrent à franchir le blocus naval dans l’obscurité et à aider les assiégés, ce qui permit de sauver la situation. Cet incident est relaté au chapitre 14 de son autobiographie, où il fait référence aux célèbres corsaires de Salé, qui n’étaient autres que les hornacheros bannis par Gregorio López Madera.

À son retour en Italie, il occupe pendant un certain temps le poste de gouverneur de la ville d’El Águila (L’Aquila), au nord-est de Rome, avec pour mission d’y faire régner l’ordre, car il s’agit d’une population isolée et rebelle. Contreras s’acquitte de sa tâche avec fermeté et perspicacité. Il assiste également à une éruption du Vésuve en 1631 et sauve un couvent de religieuses du désastre. À la fin de l’année 1631, il se retira du service et reçut à León une citation à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem ou de Malte. Peut-être à la demande de Lope de Vega (chevalier du même ordre de chevalerie, qui lui dédia une comédie, El rey sin reino, et l’accueillit dans sa maison), il écrivit ses mémoires, qui ne furent publiées qu’en 1900.
La liste des services de 1645 nous donne ses dernières nouvelles : entre 1635 et 1642, il est capitaine des presidios de Sinaloa (frontière nord de la Nouvelle-Espagne à cette époque) et gouverneur du château de San Juan de Ulúa (Veracruz), avant de rentrer en Espagne avec le titre de sergent-major de la Nouvelle-Espagne et peut-être d’achever la rédaction de son Discurso de mi vida, malheureusement inachevé.

Obra

Comme c’était l’usage et la coutume dans les occasions où il cherchait à obtenir une promotion, il rédigea plusieurs mémoriaux relatant ses services. Certains d’entre eux sont aujourd’hui archivés aux Archives générales de Simancas.

Il a rédigé une carte de la Méditerranée qu’il croyait perdue, mais qui a été retrouvée et publiée. Elle s’intitule : Derrotero universal desde el Cabo de San Vicente, en el Mar Océano, costeando Cartagena, Cataluña, Francia, Nápoles, Golfo de Venecia, Archipiélago de Levante, Caramania, Natolia, Suria, Egipto, Nilo, volver por Berbería hasta Cabo Cantín, Islas de Sicilia, Cerdeña, Mallorca, Candía, Chipre. Le manuscrit original se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de Madrid. On trouve également un dixième de son texte dans les préliminaires de El sol solo y para todos sol, un traité de physiognomonie d’Esteban Pujasol publié en 1637.
Son autobiographie est littéralement intitulée Vida, nacimiento, padres y crianza del capitán Alonso de Contreras, natural de Madrid Cauallero del Orden de San Juan, Comendador de vna de sus encomiendas en Castilla, écrite par lui-même, et en sous-titre, Discurso de mi vida desde que salí a servir al rey, de edad de catorce años, que fue el año de 1597, hasta el fin del año de 1630, por primero de octubre, que comencé esta relación. Le manuscrit original se trouve actuellement à la Bibliothèque nationale de Madrid.

Le manuscrit a été découvert en 1900 par Manuel Serrano y Sanz, qui a réalisé une première édition contenant des suppressions et des erreurs. Plusieurs éditions ultérieures ont été réalisées, avec des préfaces et des commentaires de divers auteurs. Des traductions en français ont été publiées en 1911, en allemand en 1924 et en anglais en 1926. En 1943, la Revista de Occidente a publié une édition qui n’est pas tout à fait conforme à l’original, avec un essai préliminaire de José Ortega y Gasset. Parmi les éditions les plus récentes, on peut citer celle de l’hispaniste Henry Ettinghausen.



Le style de son écriture, comme le dit l’auteur lui-même, « est sec et sans pluie », et c’est pourtant le principal attrait de son récit, très agile, émouvant et intéressant à tous points de vue, du sociologique à l’historique et au psychologique.

Dans le cinéma et la littérature

Une version cinématographique a été réalisée par Rafael Gil en 1955, sous le titre La otra vida del capitán Contreras (L’autre vie du capitaine Contreras), avec une distribution comprenant, entre autres, Fernando Fernán Gómez. Cette adaptation est basée sur le roman du même titre de Torcuato Luca de Tena, publié en 1953. L’intrigue du roman et du film diffère sensiblement de l’autobiographie : le capitaine Alonso Contreras est chassé à mort sur ordre du gouverneur de Tolède et demande l’aide d’un alchimiste, qui lui fait boire une potion qui l’engourdit. À son réveil, il se retrouve au XXe siècle, poursuivi cette fois par un journaliste.

Alonso de Contreras a été la principale source d’inspiration d’Arturo Pérez-Reverte, avec Jerónimo de Pasamonte, Miguel de Castro et Diego Duque de Estrada, pour la création du capitaine Alatriste, le personnage fictif de sa série de romans Les aventures du capitaine Alatriste : « Cervantès, comme je l’ai dit, n’a laissé que ces quelques fragments épars de sa vie militaire, mais d’autres de ses camarades ont laissé des mémoires très complets et très intéressants. Quatre d’entre eux sont décisifs pour la formation du personnage de Diego Alatriste : Jerónimo de Pasamonte, Miguel de Castro, Diego Duque de Estrada et le capitaine Alonso de Contreras. Surtout ce dernier, envers qui ma dette est si grande que je n’ai pas hésité à en faire un compagnon d’armes, un vieux camarade et un ami personnel du capitaine Alatriste (…) ».

Liens externes

Manuscrits d’Alonso de Contreras, numérisés dans la Biblioteca Digital Hispánica de la Biblioteca Nacional de España :



Éditions numériques du Discurso de mi vida :

Autres ressources :

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