La glossématique est la théorie linguistique élaborée par le linguiste danois Louis Hjelmslev qui vise à expliciter les intuitions profondes de Ferdinand de Saussure. Il s’agit d’une théorie formaliste qui n’implique pas un refus de considérer le contenu, mais qui vise à donner une description formelle aux faits de sens. La glossématique attribue ainsi un rôle central à la forme, épurée de toute réalité sémantique ou phonique, et relègue au second plan la fonction, notamment le rôle que joue la langue dans la communication, puisque celle-ci est liée à la substance.
Hjelmslev part de deux idées saussuriennes qui se rejoignent dans la théorie du signe : la langue n’est pas substance mais forme ; toute langue est à la fois expression et contenu. Cependant, il veut aller plus loin que Saussure dans l’opposition entre forme et substance, car les unités linguistiques doivent exister indépendamment de la réalité du son et du sens pour pouvoir se projeter sur cette réalité.
Pour ce faire, Hjelmslev rejette le principe d’opposition et développe à l’extrême une autre conception saussurienne, selon laquelle l’unité purement négative et rationnelle ne peut être définie en elle-même mais seulement par les relations qui la lient aux autres unités de la langue.
Ainsi, si le langage est forme et non substance, il l’est parce que ses unités doivent être définies par les règles selon lesquelles elles peuvent être combinées. Les symboles d’un système le sont dans la mesure où ils sont distincts les uns des autres et reliés entre eux par des lois explicites de fonctionnement, faisant abstraction à la fois de leur signification et de leur manifestation perceptible.
Hjelmslev distingue alors trois niveaux là où Saussure n’en voyait que deux :
– La substance saussurienne (la réalité sémantique ou phonique, indépendante du langage), qu’il appelle matière.
– La forme saussurienne (subdivision, configuration, basée sur le principe d’opposition), il l’appelle substance.
– Enfin, il adopte le terme de forme pour désigner le réseau relationnel qui définit les unités, c’est-à-dire les relations qui lient une unité aux autres.
La relation entre ces trois niveaux (matière, substance et forme) se réalise à travers la notion de manifestation : la substance est la manifestation de la forme dans la matière.
En réinterprétant le principe saussurien selon lequel la langue est forme et non substance, Hjelmslev réinterprète également l’affirmation selon laquelle les langues sont caractérisées à la fois au niveau de l’expression et au niveau du contenu. Il y est contraint lorsqu’il constate que, si l’on abstrait les subdivisions qui mettent en corrélation les expressions et les contenus pour ne considérer que les relations combinatoires entre les unités, alors la forme de l’expression et la forme du contenu deviendraient identiques, puisque les relations combinatoires qui mettent en relation les signes lient à la fois leurs significations et leurs réalisations phoniques. Par conséquent, il faudrait renoncer à une telle distinction.
Pour la sauvegarder, Hjelmslev, s’appuyant sur la méthode phonologique de commutation, abandonne l’idée que le signe est l’unité linguistique fondamentale, affirmant que les deux plans ne sont pas en accord, en ce sens qu’il ne peut y avoir de correspondance entre les lois combinatoires concernant les phonèmes et celles concernant les sèmes.
Par conséquent, la matière, la substance et la forme se déploient aussi bien au niveau de l’expression qu’au niveau du contenu, ce qui implique l’existence de six niveaux linguistiques fondamentaux.
Hjelmslev crée une terminologie particulière : l’élément linguistique révélé par la commutation, mais défini formellement, est appelé glossème ; les glossèmes d’expression (correspondant aux phonèmes) sont appelés cénèmes ; ceux de contenu (comparables aux sèmes) sont des plérèmes.
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