Jean Thiriart

Il était un philosophe politique belge associé aux néo-fascistes et aux néo-nazis. Dans les années 1960, il a rejeté son passé nazi et a promu des idées paneuropéennes en fondant Jeune Europe.

Il conçoit ainsi le « national-communautarisme européen », parfois appelé national-communisme européen, qui est une synthèse du nationalisme révolutionnaire et du nationalisme européen, c’est-à-dire un nationalisme révolutionnaire transposé à l’échelle d’une nation européenne unifiée.

La jeunesse

Jeune homme, il vit à Liège, abandonne ses études secondaires et devient optométriste.

Il est d’abord actif au sein de la Jeune garde socialiste et de l’Union socialiste antifasciste, ainsi que dans d’autres mouvements pacifistes de gauche.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il rejoint le Fichte Bund (organisation dérivée du mouvement völkisch, fondée à Hambourg en 1914) et les Amis du Grand Reich (AGRA), association de collaborationnistes de gauche hostiles à Léon Degrelle (chef du parti rexiste), contrôlée à distance par l’Allemagne.

Il est arrêté le 22 octobre 1944 et libéré le 9 février 1946.

Mouvement d’action civique

Le 8 juillet 1960, il participe à la fondation du Comité d’action et de défense des Belges d’Afrique (CADBA), rebaptisé en septembre 1960 Mouvement d’action civique (MAC), organisation d’extrême droite qui prône la poursuite de la domination coloniale des pays européens sur l’Afrique et la construction d’une politique communautaire européenne s’étendant de la Norvège à l’Afrique du Sud, sous la forme d’un État aux dimensions intercontinentales et aux caractéristiques jacobines.

Ce mouvement a apporté un soutien logistique à l’Organisation Armée Secrète (OAS), une organisation terroriste française qui s’opposait à l’indépendance de l’Algérie et a donc commis plusieurs attentats en Algérie et en France.

Le MAC adopte la croix celtique comme emblème et, à l’approche des élections législatives belges de 1961, tente, sans succès, de rassembler les différentes formations d’extrême droite de l’époque en une seule formation politique. Suite à des conflits internes, il cesse d’exister en septembre 1962.

Après sa dissolution, certains membres du MAC fondent Jeune Europe, dirigé par Jean Thiriart.



Parti national européen

Le 1er septembre 1961, Thiriart publie le « Manifeste pour la nation européenne ».
En mars 1962, Thiriart représente le MAC lors d’une réunion à Venise qui rassemble certaines organisations européennes d’extrême droite, telles que le Mouvement social italien, le Parti socialiste du Reich et le Mouvement pour l’Union (organisation britannique dirigée par Oswald Mosley).

À l’issue de la réunion, les participants ont publié une déclaration commune dans laquelle ils exprimaient leur volonté de fonder un Parti national européen, axé sur la défense de l’unité européenne, le rejet de la subordination de l’Europe occidentale aux États-Unis et la réintégration de l’Europe de l’Est dans la communauté européenne.

Mais cette initiative est de courte durée, le nationalisme des Italiens et des Allemands les amenant rapidement à rompre leurs engagements pro-européens.

Thiriart se met alors au travail et conclut que la seule solution réside dans la création ex nihilo d’un « Parti révolutionnaire européen » faisant front commun avec les partis ou pays opposés à l’ordre établi par la Conférence de Yalta.



Jeune Europe

A partir de 1960, la doctrine du « Communutarisme national-européen », dont le caractère socialiste était affirmé dès le début, a progressivement évolué vers des positions national-communistes. Si, dans les premières années du mouvement, il existait une aile droite considérable et fortement anticommuniste, la perspective du mouvement a évolué de telle sorte que, dans les années 1980, il a commencé à présenter des caractéristiques euro-soviétiques, c’est-à-dire qu’il a commencé à préconiser la création d’un espace européen s’étendant de Dublin à Vladivostok, en opposition à l’hégémonie américaine.

En janvier 1963, d’anciens membres du MAC et d’autres disciples de Jean Thiriart fondent Jeune Europe, une organisation qui compte des membres en Autriche, en Allemagne, en Espagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suisse. L’organisation commence à publier l’hebdomadaire Jeune Europe, tiré à 10 000 exemplaires.

En juin 1964, Jean Thiriart publie : Un Empire de quatre cents millions d’hommes, l’Europe.

En 1964, au sein de l’organisation Jeune Europe, dirigée par Jean Thiriart, une scission se produit qui aboutit à l’élimination du secteur le plus fortement anticommuniste, et l’organisation commence à adopter un antiaméricanisme radical et des thèses national-communistes. Ainsi, en 1965, il définit le communisme comme « un socialisme national-européen » et ajoute que « dans un demi-siècle, le communisme conduira, qu’on le veuille ou non, au communautarisme ».
Au cours de l’été 1966, Thiriart s’est rendu en Roumanie et en Yougoslavie, où il a rencontré les dirigeants de ces pays qui construisaient des modèles de communisme à caractéristiques nationales de manière plus indépendante, avec une plus grande autonomie par rapport au Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS).

En août 1966, le journal diplomatique officiel du gouvernement yougoslave, Medunarodna Politika, a publié un long article de Thiriart, traduit en serbo-croate sous le titre Evropa od bresta do buquresta.



A partir de 1966, l’organisation publie un mensuel, La Nation Européenne, édité par le Français Gérard Bordes, tiré à environ 10 000 exemplaires, avec des collaborateurs français, belges, italiens, suisses, allemands, portugais, néerlandais, britanniques et espagnols, ainsi que des correspondants en Algérie, en Argentine, au Brésil et en Egypte.

La Nation Européenne a également publié des articles de personnalités extérieures à Jeune Europe, telles que le député français Francis Palmero, Selim Ei-Yafi, ambassadeur de Syrie à Bruxelles, Nather El Omari, ambassadeur d’Irak à Paris, et les écrivains Pierre Gripari, Pierre Lance et Hervé Lavenir.
Il a également publié des entretiens avec, entre autres, l’ancien président argentin Juan Domingo Perón, alors en exil en Espagne, qui prétendait soutenir toutes les idées de Jeune Europe. Ou encore Ahmed Shukeiri, fondateur et président de l’Organisation de libération de la Palestine, qui donne sa bénédiction à Jeune Europe ; Tran Hoai Nam, chef de la mission viêt-cong en Algérie ; Cherif Belkacem, coordinateur du secrétariat exécutif du FLN algérien ; le philosophe algérien Malek Bennabi ; le leader des Black Panthers Kwame Ture et le maoïste Gérard Bulliard, leader du Parti communiste suisse.

À partir de février 1967, la section italienne, qui regroupe les deux tiers des militants de l’organisation, commence à publier une version italienne de la revue : La Nazione europea, avec pour principaux collaborateurs Claudio Mutti, Pino Balzano et Claudio Orsi. Certains d’entre eux s’impliqueront dans l’organisation Lotta di Popolo.

L’un des objectifs de l’organisation est de créer des « Brigades révolutionnaires européennes » pour lancer une lutte armée contre la présence militaire américaine. Pour ce faire, il recherche le soutien de la Chine, de la Yougoslavie, de la Roumanie, de l’Irak, de l’Égypte et de l’Autorité palestinienne.



En 1969, déçu par l’échec relatif de son mouvement, Thiriart quitte Jeune Europe, qui se dissout peu après le départ de son principal dirigeant.

Après Jeune Europe

Dans les années 1980, ses idées sont reprises par les militants des Troisièmes radicaux au sein du mouvement Troisième Voie et par les rédacteurs des journaux belges Conscience européenne et Volonté européenne et du journal français Le Partisan européen.

En 1984, il participe à la fondation du Parti communautaire national-européen, où il reste jusqu’en 1988.

À partir de 1991, le Front européen de libération (FEL) tente, avec le soutien de Thiriart, de développer un mouvement paneuropéen similaire à Jeune Europe. Mais dans la pratique, il n’a jamais dépassé le statut d’alliance de groupes et de partis, chacun ayant sa propre structure, son propre programme et son propre mode de fonctionnement, et non un type de parti unitaire comme l’était Jeune Europe.

En 1992, Thiriart se rend à Moscou, avec une délégation de la FEL, pour rencontrer Alexandre Douguine, Yegor Ligachov et Guennadi Ziuganov, les leaders de l’opposition à Boris Eltsine.



Le 23 juin 1992, il meurt d’une crise cardiaque peu après son retour en Belgique, laissant inachevés plusieurs ouvrages théoriques dans lesquels il analysait la nécessaire évolution de la lutte anti-américaine après la disparition de l’Union soviétique.

Syncrétisme de la guerre froide

Thiriart s’est fermement opposé à l’impérialisme américain, mais aussi, pendant la guerre froide, aux politiques de l’Union soviétique et de ses alliés. Thiriart s’est opposé à la fois à l’immigration et à l’impérialisme, prônant la libération, la souveraineté et l’autodétermination des peuples européens. Ses positions, influencées à la fois par l’extrême droite et l’extrême gauche, lui ont valu l’inimitié de certains éléments des deux camps. Thiriart a toujours nié être un nazi et a affirmé que son idéologie se situait quelque part entre la gauche et la droite, ne correspondant à aucun des deux pôles idéologiques, comme la plupart des mouvements fascistes ou tiers-positionnistes.

Selon l’universitaire américain George Michael, Thiriart a servi de conseiller au Fatah (au sein de l’Organisation de libération de la Palestine) dans les années 1970.



Le national-bolchevisme et les dernières années

Thiriart se rapproche du national-bolchevisme et, à la fin de sa vie, travaille en étroite collaboration avec les partisans de cette idée, tels qu’Alexandre Duguin.

Thiriart était alors partisan d’un « empire euro-soviétique s’étendant de Dublin à Vladivostok et devant s’étendre vers le sud, car il a besoin d’un port sur l’océan Indien ». Duguin reprendra plus tard cette idée et en fera le frontispice de son ouvrage de 1997, Les fondements de la géopolitique.
Tout en étant membre du petit Front européen de libération, Thiriart a commencé à passer de longues périodes en Russie, où il voyait un potentiel d’explosion du nationalisme européen.

Thiriart est finalement décédé d’une crise cardiaque le 23 novembre 1992.

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