Les Créatures

Les Créatures est un film franco-suédois d’Agnès Varda, sorti en 1966.

Synopsis

Sur l’île de Noirmoutier, un écrivain et sa femme s’installent dans un fort, où ils vivent avec un minimum de contacts avec la population. La femme a perdu l’usage de la parole à la suite d’un accident. Le mari est écrivain. A proximité vit un ingénieur à la retraite, un misanthrope. Des événements inquiétants se produisent. Plusieurs habitants de l’île semblent perdre le contrôle d’eux-mêmes. Les réalités s’entremêlent : l’écrivain trouve un thème pour un roman fantastique, tandis que l’ingénieur manipule les habitants de l’île à distance grâce à une machine de son invention. Les deux hommes se rencontrent pour une partie d’échecs : le démiurge réel du monde imaginaire joue contre le démiurge imaginaire du monde réel. L’enjeu et la fin de tout, c’est l’amour et la mort.

Le complot

Les Créatures commence avec Mylène et Edgar Piccoli sur une route déserte. Mylène s’inquiète de la vitesse d’Edgar, qui refuse de ralentir. Edgar défend sa vitesse de conduite, affirmant que lorsqu’il va vite, ses idées vont vite aussi. Il décrit à quel point ils seront heureux dans une maison au bord de la mer et feront de longues promenades. Mylène est d’accord avec Edgar, mais lui demande encore une fois de ralentir. Edgar ne le fait pas, et peu après, il s’écrase contre un arbre.
Nous voyons Edgar survivre à l’accident et passer le temps en regardant la marée monter, debout sur une plate-forme surélevée sur une plage isolée. Un homme passe et propose à Edgar de l’emmener, en lui disant qu’il devra attendre huit heures avant de partir. Edgar reste et observe la marée depuis la plate-forme.

On voit Edgar commencer à écrire un livre dans des scènes entrecoupées de ses voyages dans sa nouvelle ville. Au cours de ces voyages, il passe devant une maison avec une tour en pierre sur un terrain marqué « interdit ». Une personne seule se trouve au sommet de la tour, mais les deux n’interagissent pas. Edgar se rend dans un magasin tenu par une femme et sa fille. Une fois Edgar parti, la fille dit qu’il lui a fait peur, mais la mère le défend, le décrivant comme calme mais poli. Pendant qu’Edgar est au marché en plein air, Max et Pierre, deux vendeurs de vêtements, lui accordent une attention particulière.

Alors qu’Edgar rentre chez lui, Max et Pierre, qui ont bloqué la route, l’arrêtent. Ils simulent une bagarre et, lorsqu’Edgar intervient, ils le couvrent d’un drap. Lorsqu’il intervient, ils le couvrent d’un drap. Max et Pierre insistent pour qu’Edgar paie 50 francs pour lui. Dans la scène suivante, on voit les vendeurs parler au commerçant et lui expliquer qu’ils pensent que quelque chose ne va pas avec Edgar.

Max et Pierre harcèlent Edgar chez lui, alors qu’il tente de passer du temps avec sa femme enceinte, Mylène, devenue muette à la suite de l’accident. Edgar parvient à les chasser, mais lorsqu’il sort de chez lui, il trouve un tas de draps à côté d’un chat mort.
Il tente de retrouver le propriétaire du chat mort, mais celui-ci n’appartient pas au commerçant. À l’hôtel local, il est accusé d’avoir tué le chat. Le film se complique, il accuse le cuisinier de l’hôtel d’avoir tué le chat, et qu’on lui sert du chat quand il n’y a plus de lapin. Il bat ensuite ceux qui l’ont accusé d’avoir tué le chat avec le cadavre de ce dernier. Le directeur de l’hôtel intervient et assure à Edgar que son chat est toujours vivant. Lorsqu’Edgar va enterrer le chat, il découvre un étrange disque de métal attaché à celui-ci.

Il est révélé que tout ce qui s’est passé récemment, étrange et hors de l’ordinaire, est en fait une histoire qu’Edgar est en train d’écrire, racontée à travers ses yeux, bien que l’on ne sache pas exactement où commence la fiction de l’histoire d’Edgar et où commence la réalité de sa vie d’écrivain. Edgar explique qu’un homme qui est plus un esprit maléfique qu’un homme ou un animal quelconque peut contrôler les autres grâce à un dispositif à distance, bien que les piles ne durent qu’une heure. Dans l’histoire d’Edgar, les personnes contrôlées sont forcées d’accomplir des actions qui ruinent leurs relations personnelles. Tous les personnages de l’histoire d’Edgar sont des habitants de la ville dans laquelle lui et Mylène résident actuellement.
Dans son histoire, Edgar se méfie de son voisin de la tour interdite : M. Ducasse. Edgar demande l’aide des vendeurs de vêtements pour s’introduire dans la maison de M. Ducasse et enquêter. Une fois à l’intérieur, Edgar confronte M. Ducasse et le force à expliquer les événements qui se sont déroulés. Ducasse prouve qu’il peut contrôler les gens à distance, en forçant l’un des vendeurs, Pierre, à presque sauter d’une fenêtre voisine. Pierre décide alors qu’il en a assez vu et s’en va. M. Ducasse dit à Edgar qu’il lui donnera toutes les réponses qu’il veut à condition qu’Edgar puisse le battre dans un jeu qui ressemble à une version tordue des échecs. Edgar accepte ce plan.

Dans ce jeu, des versions miniatures des habitants de la ville sont placées sur un échiquier et poussées à interagir les unes avec les autres. Un moniteur situé à proximité montre une vidéo de toutes les interactions entre les habitants. Edgar doit veiller à ce que les relations entre les personnages restent saines, tandis que M. Ducasse tente de les séparer en contrôlant leur esprit pendant une minute, au cours de laquelle l’écran devient rouge. Le jeu se poursuit, certaines relations survivent et d’autres se brisent.

Edgar en a assez vu lorsque M. Ducasse tente de convaincre le vieux propriétaire de l’hôtel local de violer la fille du commerçant, Suzon. Edgar commence à briser tout le matériel et à se battre avec M. Ducasse. Le combat se déroule au sommet de la tour de la maison, où Edgar force M. Ducasse à sauter de la corniche et à mourir.
Ainsi s’achève l’histoire fictive qu’Edgar a écrite. Cependant, la fois suivante où Edgar se rend en ville pour appeler le médecin local afin d’aider Mylène à accoucher, il découvre que le vrai M. Ducasse s’est suicidé en sautant du balcon de sa tour et est mort de la même manière que dans l’histoire d’Edgar.

Tout au long du film, la frontière entre ce qui est fictif et ce qui arrive réellement à Edgar Piccoli est floue. On ne sait jamais très bien quand le film a cessé de suivre Edgar, l’écrivain, pour commencer à suivre Edgar, le sujet du roman. Une chose devient claire à la fin du film : les disques métalliques sont utilisés pour contrôler l’esprit des habitants de la ville. Dans ces cas précis, le spectateur sait que les scènes qu’il regarde font partie du roman et non de la vie de Piccoli en tant qu’écrivain.



Production

Selon Agnès Varda, Les Créatures est une tentative de montrer la nature désordonnée de l’inspiration. Elle a voulu montrer que l’inspiration peut venir de toutes sortes de sources : les gens que l’on rencontre, l’environnement, etc. Toutes ces sources d’inspiration se combinent pour créer leur propre désordre, et il faut reconnaître ce désordre avant qu’il ne devienne une histoire. Le désordre ne va pas s’arranger tout seul.
Les Créatures met en scène Catherine Deneuve et Michel Piccoli. Le film a été réalisé par Agnès Varda et tourné à Noirmoutier entre le 1er septembre et le 15 octobre 1965. Les décors ont été conçus par Claude Pignot, le montage par Janine Verneau, la musique par Pierre Barbaud et Henry Purcell et le mixage par Jacques Maumont. Les Créatures, produit par Parc Films-Mag Bodard, a été distribué par Ciné-Tamaris. Le film est dédié à Jacques Demy.

Critique

Les Créatures a reçu des critiques très mitigées à sa sortie. Michel Cournot du Nouvel Observateur est allé jusqu’à qualifier Les Créatures de « monstre ». Jean Narboni des Cahiers du Cinéma estime qu’Agnès Varda s’est jetée dans le vide avec ce film, tandis qu’Henry Chapier de Combat considère qu’il faut laisser passer Varda car « l’auteur a le droit de se tromper au moins une fois ».

D’autres critiques contemporains ne sont pas de cet avis : Pierre Mazars, du Figaro Littéraire, estime que Les Créatures est présenté avec rapidité, humour et joie, et qu’il montre au public la naissance des œuvres littéraires par le rêve. Samuel Lachize, de L’Humanité, fait la part des choses : il reconnaît que Les Créatures n’est pas le meilleur film de Varda, qu’il n’appartient à aucun genre connu, mais qu’il suscite la réflexion, car c’est un « film dérangeant et curieux ».
Si les critiques contemporains ont été quelque peu déconcertés par le film, les critiques américains ont accueilli Les Créatures favorablement, Roger Ebert lui attribuant trois étoiles sur quatre, le qualifiant d' »étude complexe et presque hypnotique de la façon dont les faits deviennent fiction ». Roger Ebert lui a attribué trois étoiles sur quatre, le qualifiant d' »étude complexe et presque hypnotique de la façon dont les faits deviennent fiction ». Il a déclaré que le film était une comparaison entre la façon dont nous façonnons nos vies et la façon dont un écrivain écrit son roman. « Notre passé est réel, mais notre avenir est flexible ». Roger Greenspun, du New York Times, a félicité Varda pour ses efforts, mais a déclaré que « bien qu’elle ait cuisiné un ragoût avec des ingrédients lourds, elle a surtout produit de l’écume et un peu de vapeur » Greenspun a écrit qu’il avait détesté le film la première fois qu’il l’avait vu, mais qu’il se rendait compte aujourd’hui que le film était si beau qu’il fallait pardonner ses défauts pour toutes les réussites. James Travers, de filmsdefrance.com, salue la capacité des Créatures à s’inscrire dans la Nouvelle Vague française tout en conservant des accents féministes, ce qui les distingue du reste du mouvement.

Le public a également accueilli Les Créatures favorablement depuis sa sortie, le film ayant actuellement une note de 100% et une note moyenne de 4/5 sur Rotten Tomatoes.



Ma Cabane de l’Échec

Agnès Varda a recyclé son film raté en une œuvre réussie, Ma Cabane de l’Échec. Les cabanes en matériaux de récupération de l’île de Noirmoutier, où ont été tournées Les Créatures, ont inspiré la cabane d’Agnès Varda. Pour Agnès Varda, il s’agit d’une « cabane de film recyclé ». Pour Varda, il s’agit d’une « cabane issue d’un film recyclé », et la cabane a ensuite été rebaptisée La Cabane du Cinéma.

Cette cabane est une réinterprétation du cinéma et un effort pour faire revivre Les Créatures et solidifier son existence. La Cabane soulève également des questions sur la perception du film sous une forme plastique par rapport à une forme projetée. Varda affirme que le cinéma est « une lumière qui vient de quelque part et qui est captée par des images plus ou moins sombres ou colorées ». Pour Varda, la cabane elle-même est du cinéma, et lorsqu’elle est dans la cabane, « elle a l’impression de vivre dans le cinéma ».

Le critique d’art Luc Vancheri abonde dans le même sens et poursuit en se demandant comment une série de segments d’une bobine de film sous la forme d’une cabane parvient à contenir à la fois le film lui-même et le cinéma projeté. Il affirme que, parce que la lumière traverse le celluloïd physique du film, le film continue à projeter et à révéler ses images cachées. Le spectateur dans la cabane a le choix d’examiner les images elles-mêmes ou la lumière qui est réfractée et filtrée à travers le celluloïd.

Trajectoire

Les Créatures a fait partie de la sélection officielle du Festival international du film de Venise et a reçu des critiques mitigées, mais le film n’a pas eu de succès commercial. Par la suite, Agnès Varda a recyclé les restes du film pour créer Ma Cabane de l’Échec. Ma Cabane a été réalisée à partir du matériel du film, directement à partir de la copie de distribution, et réorganisée pour former une autre structure.

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