L’expédition de Drake en 1587

En avril et mai 1587, dans le contexte de la guerre anglo-espagnole de 1585-1604, le corsaire anglais Francis Drake a mené une expédition militaire contre les forces navales que l’Espagne préparait pour envahir l’Angleterre.

Sans déclaration de guerre préalable de l’Angleterre, la flotte de Drake attaque la marine espagnole ancrée dans la baie de Cadix, détruisant une grande partie de la flotte, débarque en Algarve et met à sac plusieurs forteresses, longe la côte portugaise jusqu’à Lisbonne, où elle menace également la flotte d’Álvaro de Bazán, et, faisant un détour par les Açores, capture un navire de la flotte des Indes chargé de richesses.

Les dommages causés par la flotte anglaise à la marine espagnole, sans précédent dans l’histoire militaire des deux pays, retardent de plus d’un an les projets espagnols d’invasion de l’Angleterre.

Contexte

La seconde moitié du XVIe siècle est marquée par une série de circonstances économiques, politiques et religieuses qui tendent les relations entre l’Angleterre et l’Espagne :

Le protestantisme anglais s’oppose au catholicisme espagnol ; Élisabeth Ire d’Angleterre a été excommuniée par le pape Pie V en 1570, et Philippe II d’Espagne a signé le traité de Joinville avec la Sainte Ligue de Paris en 1584, afin de lutter contre le protestantisme.

Les expéditions constantes des corsaires anglais contre les territoires espagnols dans les Indes et contre la flotte du trésor, chargée des richesses qui alimentent les finances de la métropole, constituent une menace pour les intérêts économiques de l’Espagne.
Le soutien anglais aux Provinces-Unies des Pays-Bas, alors engagées dans la guerre de quatre-vingts ans contre l’Espagne pour obtenir l’indépendance vis-à-vis de la couronne espagnole, s’est concrétisé par le traité de Nonsuch de 1585, qui a conclu une alliance militaire anglo-néerlandaise contre l’Espagne. Le soutien anglais à Don Antonio, prétendant au trône du Portugal (annexé à l’Espagne en 1580), est une autre source de conflit.

La puissance croissante de l’empire espagnol, qui avait annexé l’empire portugais en 1580, s’étendait régulièrement en Amérique et était soutenu par les Habsbourg en Allemagne et les princes italiens, était perçue par l’Angleterre comme une menace pour sa sécurité.

En 1585, les tensions entre les deux pays conduisent à la guerre anglo-espagnole (1585-1604). Philippe II ordonne la constitution d’une grande flotte militaire ; la Grande Armada est formée à la hâte dans les ports espagnols de Cadix et de Lisbonne dans le but d’envahir l’Angleterre.

L’expédition

Elizabeth I charge Sir Francis Drake, un corsaire anglais ayant participé à de précédentes expéditions navales, de commander une flotte dont la mission sera d’inspecter les préparatifs militaires espagnols, d’intercepter leurs approvisionnements, d’attaquer la flotte et, si possible, les ports espagnols.
À cette fin, la reine met quatre navires de la Royal Navy à la disposition de Drake : l’Elizabeth Bonaventure, commandé par Drake lui-même, le Golden Lyon, commandé par William Burroughs, le Rainbow, commandé par le capitaine Bellingham, et le Dreadnought, commandé par le capitaine Thomas Fenner. 20 autres navires, des navires marchands et des pinasses armées, se joignent à eux dans l’expédition. Les dépenses de ces navires sont payées par un groupe de marchands londoniens, qui partagent les bénéfices dans la même proportion qu’ils ont contribué à la flotte ; la reine Élisabeth, en tant que propriétaire des quatre navires de la Royal Navy, reçoit 50 % des bénéfices.

Le 12 avril 1587, la flotte anglaise quitte Plymouth. Sept jours après son départ, la reine envoie à Drake un contre-ordre stipulant qu’aucune action hostile ne doit être entreprise contre la flotte ou les ports espagnols. Cette lettre n’est jamais parvenue à Drake car le navire qui devait la lui remettre, contraint par des vents contraires, a dû rentrer au port sans pouvoir le rattraper.



Au large de la Galice, ils furent dispersés par une tempête qui dura sept jours, au cours de laquelle l’une des pinasses coula. Après avoir regroupé la flotte, ils trouvèrent deux navires hollandais en provenance de Middelburg, en Zélande, qui les informèrent qu’une grande flotte de guerre espagnole était en préparation à Cadix, prête à partir pour Lisbonne.
Dans la soirée du 29 avril, la flotte britannique entre dans la baie de Cadix. À ce moment-là, il y avait soixante navires et plusieurs autres plus petits dans le port. Après l’observation, vingt autres navires français présents dans la baie et d’autres petits navires se réfugient à Puerto Real et Puerto de Santa María, à l’abri des bancs de sable que les grands navires ne peuvent pas franchir.

Juan de Vega, corregidor de Cadix, envoie un message à Alonso Pérez de Guzmán, duc de Medina Sidonia, qui arrive de Sanlúcar la nuit même pour prendre en charge la défense de la ville.
Les galères espagnoles qui, en l’absence du major adelantado de Castille, étaient commandées par Pedro de Acuña, sortirent à la rencontre de la flotte anglaise et durent se replier vers Cadix face à la supériorité anglaise. Les postes à terre ouvrent des tirs d’artillerie depuis la côte contre la flotte anglaise, sans grand succès, mais ils parviennent à repousser une tentative de débarquement avec des vedettes au Puntal.

Les combats se poursuivent dans la baie toute la nuit du 29 et le jour et la nuit suivants. À l’aube du 1er mai, les Britanniques se retirent après avoir détruit entre 23 et 33 navires espagnols, d’un poids total de 10 000 tonnes, et capturé quatre autres navires chargés de provisions.
Après avoir quitté Cadix, la flotte de Drake longe la côte sud-ouest de l’Espagne et du Portugal, détruisant tous les navires sur son passage, y compris les bateaux de pêche. Le 14 mai, un millier d’hommes débarquent à Lagos, dans l’Algarve portugais, et attaquent les forteresses de Sagres, de La Valiera, de Beliche et du cap Saint-Vincent.

De là, il se dirige vers Lisbonne, où le marquis de Santa Cruz, Álvaro de Bazán, supervise la préparation de la flotte qui doit rejoindre celle de Cadix pour l’invasion de l’Angleterre. La flotte anglaise s’arrêta à Cascaes, d’où elle proposa à Álvaro de Bazán un échange de prisonniers, ce à quoi celui-ci répondit en niant avoir des sujets anglais en sa possession ou préparer une quelconque action contre l’Angleterre. Drake et Bazán refusent tous deux d’engager le combat, se limitant à un échange de tirs d’artillerie entre la flotte anglaise et les forces hispano-portugaises à terre, qui ne fait aucune victime.



Drake ordonne de lever l’ancre et se remet en marche vers Sagres, où les troupes anglaises font le plein d’eau et se heurtent aux caravelles espagnoles parties à leur poursuite depuis Cadix. Le 2 juin, les blessés et les malades anglais sont évacués vers l’Angleterre. La nuit même, une tempête se déclenche et les empêche de naviguer pendant trois jours.
La décision de débarquer en Algarve, jugée inutile et dangereuse par le commandant en second, le capitaine William Burroughs, et les plans de Drake de naviguer vers l’île de Terceira, ont conduit Burroughs à contester les ordres de Drake, ce qui a incité Drake à le relever de son commandement et à le placer en état d’arrestation. Burroughs a été renvoyé en Angleterre, laissant Drake avec seulement neuf navires.

Le 8 juin, la flotte de Drake aperçoit, à vingt lieues de l’île Saint-Michel, la caraque portugaise San Felipe, venue des Indes chargée de richesses, et après un bref échange de coups de feu, elle la capture (c’est le premier navire capturé sur le chemin du retour des Indes). Après s’être emparée du San Felipe et de l’énorme fortune qu’il transportait en or, en épices et en soie, estimée à 108 000 livres (dont 10 % reviennent à Drake lui-même), la flotte anglaise retourne en Angleterre, où elle arrive le 6 juillet.

Conséquences

L’expédition menée par Francis Drake peut être considérée comme un succès relatif : les pertes économiques et matérielles causées au sein de la flotte espagnole par l’attaque anglaise obligent à reporter de plus d’un an les projets espagnols d’invasion de l’Angleterre. Ce n’est qu’en août 1588 que la Grande Armada est prête à mettre le cap sur les îles britanniques.
Les documents saisis par les Britanniques lors de la prise du San Felipe, détaillant le trafic maritime avec les Indes orientales et le commerce lucratif de la région, serviront des années plus tard de base à la fondation de la British East India Company.

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