Ordre cistercien

L’Ordre cistercien (latin : Ordo Cisterciensis, O.Cist.), également connu sous le nom d’Ordre cistercien ou même de Saint Ordre des Cisterciens (Sacer Ordo Cisterciensis, S.O.C.), est un ordre monastique catholique réformé. Ils ont pour règle la règle de saint Benoît, qu’ils aspirent à suivre scrupuleusement. Ils sont nés en 1098 en réaction à l’assouplissement qu’ils considéraient de l’Ordre bénédictin de Cluny (de 910), voulant revenir à l’esprit originel de l’Ordre de Saint Benoît (de 529). Ses origines remontent à la fondation de l’abbaye cistercienne par Robert de Molesmes.

Le siège de l’Ordre cistercien est situé à l’emplacement de l’ancienne cité romaine de Cistercium, près de Dijon, sur la commune de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, dans le département de la Côte-d’Or, en région Bourgogne (France). Cette abbaye a été appelée Novum Monasterium par Robert de Molesmes pour la distinguer du monastère de Molesmes dont elle était issue.

L’ordre cistercien a joué un rôle de premier plan dans l’histoire religieuse du XIIe siècle. Son influence a été particulièrement importante à l’est de l’Elbe, où l’ordre « a fait progresser le christianisme, la civilisation et le développement de la terre en même temps ».

Restauration de la règle bénédictine inspirée par la réforme grégorienne, l’ordre cistercien prône l’ascétisme, la rigueur liturgique et l’importance du travail manuel. Outre le rôle social qu’il a joué jusqu’à la Révolution française, l’ordre a exercé une influence importante dans les domaines intellectuel et économique, ainsi que dans les arts et la spiritualité.
Il doit son essor considérable à Bernard de Clairvaux (1090-1153), un homme d’une personnalité et d’un charisme exceptionnels. Son influence et son prestige personnel ont fait de lui le cistercien le plus important du XIIe siècle, car, bien qu’il n’en soit pas le fondateur, il est encore aujourd’hui le maître spirituel de l’ordre.

Aujourd’hui, l’ordre cistercien est composé de deux ordres différents. En 1988, l’ordre de la « Commune Observance » comptait plus de 1.300 moines et 1.500 moniales répartis respectivement dans 62 et 64 monastères. L’ordre cistercien de la Stricte Observance, également appelé OCSO, comprend aujourd’hui environ 2000 moines et 1700 moniales, communément appelés trappistes car issus de la réforme de l’abbaye trappiste, répartis dans 106 monastères pour les hommes et 76 pour les femmes. Les deux ordres cisterciens entretiennent actuellement des liens de collaboration entre eux.
Leur habit est constitué d’une tunique blanche et d’un scapulaire noir, maintenu par une ceinture portée en dessous ; l’habit de chœur est le traditionnel capuchon monastique blanc. En fait, au Moyen Âge, on les appelait les « moines blancs », par opposition aux « moines noirs » que sont les bénédictins. Ils sont aussi souvent appelés « moines bernardins » ou simplement « bernardins », en référence à l’impulsion donnée à l’ordre par Bernard de Fontaine, mais il ne faut pas oublier que « même si le nom de « bénédictins » ne leur est pas appliqué, les cisterciens sont autant bénédictins que leurs frères en habit noir, qui sont appelés « bénédictins », sans autre précision ». Bien qu’ils suivent la règle de saint Benoît, les cisterciens ne sont pas correctement mentionnés lorsque l’on parle des bénédictins par opposition à eux. C’est lors du quatrième concile du Latran, en 1215, que le mot « bénédictin » est apparu pour désigner expressément les moines qui n’appartenaient à aucun ordre centralisé, par opposition aux cisterciens. Le professeur Antonio LInage Conde signale un phénomène de monopole parfois dans la dénomination, laissant de côté d’autres branches bénédictines comme les Camaldules.

Histoire

En Occident, au tournant des XIe et XIIe siècles, de nombreux chrétiens sont à la recherche de « nouvelles voies de perfection spirituelle ».
La Regula Sancti Benedicti fut également, à la fin du XIe siècle, une formidable source d’inspiration pour les mouvements qui visaient la perfection spirituelle en alliant ascèse et rigueur liturgique, rejetant l’oisiveté au profit du travail manuel. Comme l’ordre de Grandmont ou l’ordre des Chartreux, fondé par saint Bruno en 1084, l’ordre cistercien est marqué à sa naissance par un besoin de réforme et d’inspiration évangélique, à l’instar de l’expérience de Robert d’Arbrissel, fondateur de l’ordre de Fontevraud en 1091, ou de l’émergence de chapitres de chanoines fondés sur la règle de saint Benoît.

Le mode de vie cistercien prend forme avec la fondation de l’abbaye Notre-Dame de Molesmes par Robert de Molesmes en 1075, dans le Tonnerre. Robert de Molesmes est né en Champagne et est issu de la famille Maligny, l’une des plus importantes de la région. Il commence son noviciat à l’âge de quinze ans à l’abbaye des Moutiers-la-Celle, dans le diocèse de Troyes, où il devient prieur. Imprégné de l’idéal de restauration de la vie monastique telle qu’elle a été instituée par saint Benoît, il quitte le monastère en 1075 pour le mettre en pratique. Il partage la solitude, la pauvreté, le jeûne et la prière avec sept ermites dont il anime la vie spirituelle. Ils s’installent dans la forêt de Collan, ou Colan, près de Tonnerre. Grâce aux seigneurs de Maligny, le groupe s’installe dans la vallée de la Laignes, au village de Molesmes. Ils adoptent des règles proches de celles des Camaldules, alliant la vie communautaire de travail et l’office bénédictin à l’érémitisme.
Cette fondation fut un succès. La nouvelle abbaye attire de nombreux visiteurs et donateurs, religieux et laïcs. « Quinze ans après sa fondation, Molesmes ressemblait à n’importe quelle abbaye bénédictine prospère de son temps ». Mais les exigences de Robert et d’Albéric ne furent pas bien acceptées. Des divisions apparaissent au sein de la communauté. En 1090, Robert, avec quelques compagnons, décide de quitter pour un temps l’abbaye et ses dissensions, en s’installant avec quelques frères à Aulx pour y mener une vie d’ermite, mais il est contraint de revenir à l’abbaye qu’il dirigeait à Molesmes.

Il sait qu’il ne pourra pas satisfaire son idéal de solitude et de pauvreté à Molesmes où les partisans de la tradition s’opposent à ceux du renouveau. Robert obtient donc l’autorisation de Hugues de Die, légat du pape, et accepte un lieu solitaire dans la forêt marécageuse du bas-Dijon pour s’y retirer et pratiquer, avec la plus grande austérité, la règle de saint Benoît. Le lieu lui est proposé par le duc de Bourgogne, Eudes Ier, et ses lointains cousins les vicomtes de Beaune. Alberic et Stephen Harding, ainsi que vingt-et-un autres moines fervents, l’accompagnent. Ils s’installent le 21 mars 1098 sur le site dit de la Forgeotte, concession de Renard, vicomte de Beaune, pour y fonder une autre communauté, connue un temps sous le nom de novum monasterium.
Les débuts du novum monasterium, dans des bâtiments en bois entourés d’une nature hostile, sont difficiles pour la communauté. La nouvelle fondation bénéficie cependant du soutien de l’évêque de Dijon. Eudes de Bourgogne se montre également généreux ; Renard de Beaune, son vassal, donne à la communauté les terres qui bordent le monastère, et la protection bienveillante de l’archevêque Hugues permet la construction d’un monastère en bois et d’une humble église. Robert eut juste le temps de recevoir du duc de Bourgogne un vignoble à Meursault, car après un synode tenu au Port d’Anselle en 1099 qui légitima la fondation du novum monasterium, il fut contraint de retourner à Molesmes, où il mourut en 1111.

Pendant un certain temps, l’historiographie cistercienne a censuré la mémoire des moines revenus à Molesmes. Ainsi, les écrits de Guillaume de Malmesbury, puis le Petit et le Grand Exorde, sont à l’origine de la légende noire qui, au sein de l’ordre, persécutait Robert et ses compagnons de Molesmes « qui n’aimaient pas le désert ».
Robert laisse la communauté entre les mains d’Agénor, l’un des plus fervents partisans de la rupture avec Molesmes. Agénor, administrateur efficace et compétent, obtient la protection du pape Pascal II (Privilegium Romanum) qui promulgue la bulle Desiderium quod le 19 octobre 1100. Agénor, confronté à de nombreuses difficultés matérielles, déplace sa communauté deux kilomètres plus au sud, sur les bords de la Vouge, afin d’y trouver un approvisionnement en eau suffisant. Sous ses ordres, une église est construite à quelques centaines de mètres de l’emplacement d’origine. Le 16 novembre 1106, Gauthier, évêque de Chalon, consacre la première église en pierre sur ce nouveau site. Agénor réussit à maintenir la ferveur spirituelle de sa communauté qu’il soumet à un ascétisme très dur. Mais Cîteaux dépérit, les vocations se font rares et ses membres vieillissent. Les années semblent difficiles pour la petite communauté car « les frères de l’église de Molesmes et d’autres moines voisins ne cessent de les harceler et de les troubler ».

Cependant, la protection du duc de Bourgogne, celle de son fils Hugues II, après 1102, et les clercs issus du courage de la communauté, permettent au monastère de commencer à se développer. A partir de 1100, le monastère attire des néophytes ; quelques novices rejoignent le groupe. Durant son abbatiat, Agénor fait adopter aux moines l’habit de laine brute, différent de l’habit noir des moines de l’ordre de Cluny. Cela valut aux cisterciens les surnoms de « moines blancs », « bénédictins blancs » ou « bernardins », du nom de saint Bernard, par opposition aux bénédictins ou « moines noirs ».
Alberic définit le statut des frères convers, des religieux qui ne sont ni clercs ni moines, mais soumis à l’obéissance et à la stabilité et qui effectuent l’essentiel du travail manuel. Il entreprend également le travail de révision de la Bible qui sera achevé sous l’abbatiat d’Étienne Harding.



En 1109, Stephen Harding prend en main les destinées de Cîteaux, succédant à Alberic après la mort de ce dernier. Stephen, noble anglo-saxon doté d’une solide formation intellectuelle, est un moine formé à l’école de Vallombreuse qui a déjà joué un rôle de premier plan dans les événements de 1098. Il entretient d’excellentes relations avec les seigneurs locaux. La bienveillance de la dame castillane de Vergy et du duc de Bourgogne assure le développement matériel de l’abbaye. L’augmentation de la valeur des terres fournit à la communauté les ressources nécessaires à sa subsistance. La ferveur des moines donne à l’abbaye une grande réputation. En avril 1112 ou mai 1113, le jeune chevalier Bernard de Fontaine, accompagné d’une trentaine de compagnons, entre dans le monastère dont il va transformer le destin. Avec l’arrivée de Bernard, l’abbaye s’agrandit. Le nombre de postulants afflue, le nombre de membres augmente et incite Stephen Harding à fonder des « abbayes succursales ».
En 1113, la première abbaye succursale est fondée à La Ferté, dans le diocèse de Chalon-sur-Saône, puis à Pontigny, dans le diocèse d’Auxerre, en 1114. En juin 1115, Étienne Harding envoie Bernard et douze compagnons fonder l’abbaye de Clairvaux en Champagne. Le même jour, une communauté monastique quitte Cîteaux pour fonder l’abbaye de Morimond.

Sur ce tronc des quatre branches de Cîteaux, l’ordre se développe et la famille cistercienne s’agrandit tout au long du XIIe siècle. A partir de 1120, l’ordre s’installe à l’étranger, dans l’abbaye de Santa Maria alla Croce à Tiglieto (Italie). Parallèlement aux monastères d’hommes, des couvents de moniales sont créés. Le premier est créé en 1132 à l’initiative d’Étienne Harding à Tart-l’Abbaye, celui de Port-Royal-des-Champs étant l’un des plus célèbres.

Pour Étienne Harding, organisateur de l’ordre et grand législateur, l’œuvre qu’il voit naître est encore fragile et doit être consolidée. Les abbayes créées par Cîteaux ont besoin du lien qui marquera leur appartenance à la stricte application de la règle de saint Benoît et à la solidarité des communautés monastiques. La Charte de Charité qu’il rédige devient le socle qui garantit la solidité de l’édifice cistercien.
Entre 1114 et 1118, Stephen Harding rédige la Carta Caritatis ou Charte de la Charité, texte constitutionnel fondamental sur lequel repose la cohésion de l’ordre. Il y établit l’égalité des monastères de l’ordre. L’observation de l’unité d’observance de la règle de saint Benoît avait pour but d’organiser la vie quotidienne et d’établir une discipline uniforme dans toutes les abbayes. Le pape Calliste II l’a approuvée le 23 décembre 1119 à Saulieu. La Charte a été mise à jour à plusieurs reprises.

Stephen Harding envisage que chaque abbaye, tout en conservant une grande autonomie, notamment financière, dépende d’une abbaye-mère : l’abbaye qui l’a fondée ou l’abbaye à laquelle elle est rattachée. Ses abbés, élus par la communauté, contrôlent l’abbaye à leur guise. En même temps, il a su prévoir des systèmes de contrôle efficaces, évitant la centralisation. L’abbaye mère avait un droit de regard et son abbé devait la visiter annuellement.



Stephen Harding a institué le Chapitre général au sommet de l’Ordre, en tant qu’organe de contrôle suprême. Chaque 14 septembre, sous la présidence de l’abbé de Cîteaux, qui en fixe l’ordre du jour, le chapitre général réunit tous les abbés de l’ordre, qui sont tenus d’y assister en personne ou, exceptionnellement, de s’y faire représenter. Tous avaient le même rang, à l’exception des abbés des quatre branches principales.
D’autre part, le chapitre général décrétait les statuts et apportait les adaptations nécessaires aux règles régissant l’ordre. Les décisions prises dans ces assemblées étaient consignées dans des registres appelés Statuta, instituta et capitula. Ce système, comme le souligne Dom J.M. Canivez, a permis « une union, une circulation intense de la vie et un véritable esprit de famille qui ont réuni en un corps compact les abbayes issues de Cîteaux ».

L’ordre doit son essor considérable dans la première moitié du XIIe siècle à Bernard de Clairvaux (1090-1153), le plus célèbre des cisterciens, qui peut être considéré comme son maître spirituel. Ses origines familiales et sa formation, ses appuis et ses relations, sa propre personnalité, expliquent en grande partie le succès cistercien.

Sa famille était connue pour sa piété ; sa mère lui a transmis son penchant pour la solitude et la méditation. Il décide de ne pas prendre les armes et tente de se retirer du monde. Cependant, de sa vie religieuse, il gardera un sens aigu du combat. « Persuasif et charismatique, il incite plusieurs de ses proches à le suivre à Cîteaux, une abbaye proche des terres de sa famille.

Trois ans seulement après son entrée dans l’ordre cistercien, Bernard, consacré abbé par Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, reprend l’abbaye de Clairvaux le 25 juin 1115.
Tout en restant à la tête de Clairvaux, dont il restera l’abbé toute sa vie, Bernard exerce une influence religieuse et politique considérable en dehors de son ordre. Toute sa vie, il est guidé par la défense de l’ordre cistercien et de ses idéaux de réforme de l’Église. Il est présent sur tous les fronts et sa vie est riche en paradoxes. Il proclame son désir de se retirer du monde, et pourtant il ne cesse de se mêler aux affaires du monde. Il donne volontiers des leçons, mais, sûr de la supériorité de l’esprit cistercien, il accable ses frères clunisiens de ses reproches. Il a des mots très durs pour fustiger les clercs et les prélats qui succombent aux richesses matérielles et au luxe. Il ne dédaigne pas la malice, la ruse, la mauvaise foi ou l’insulte pour abattre son adversaire. Le théologien Pierre Abélard en a fait l’expérience, lui qui, dans le Languedoc, s’efforçait d’enrayer les progrès de l’hérésie. Il parcourt la France et l’Allemagne en mobilisant les foules après le prêche de Vézelay, le 31 mars 1146, pour prêcher la deuxième croisade. Il intervient dans la controverse entre deux papes élus simultanément (réussissant à faire triompher la cause d’Innocent II sur celle d’Anacletus II) et devient une référence pour les souverains pontifes.
Les fondations se poursuivent à un rythme soutenu. L’ordre, à partir de sa base bourguignonne, s’étend au Dauphiné et à la Marne, puis, en peu de temps, à l’ensemble de l’Occident chrétien. Il n’est pas de nation catholique, de l’Écosse à la Terre sainte, de la Lituanie et de la Hongrie au Portugal, qui n’ait connu les cisterciens dans l’un de ses sept cent soixante-deux monastères. De Clairvaux est née, en somme, la plus importante branche de l’ordre cistercien : trois cent quarante et une maisons, dont quatre-vingts filiales directes, disséminées dans toute l’Europe ; plus encore que Cluny, qui n’en comptait qu’environ trois cents. Ainsi, grâce au nombre de ses branches, qui dépasse celui de Cîteaux, le poids de l’abbaye de Clairvaux ne cesse de croître, notamment dans les décisions prises lors des chapitres généraux. Lorsqu’il meurt le 20 août 1153, honoré par l’ensemble du monde chrétien, il a fait de Cîteaux l’un des principaux centres de la chrétienté.

La règle bénédictine appelle à une synthèse entre des exigences opposées : indépendance économique et activité liturgique, activité apostolique et rejet du monde. Les Statuts des moines cisterciens venus de Molesme, rédigés dans les années 1940, sont une proposition d’uniformisation de l’idéal primitif : stricte observance de la règle bénédictine, recherche de l’isolement, pauvreté totale, refus des bénéfices ecclésiastiques, travail manuel et autosuffisance.
Les premiers abbés de Cîteaux avaient trouvé cet équilibre dans la simplicité, l’ascèse et le goût de la culture. Les XIIe et XIIe siècles, marqués par les écrits des fondateurs, vont permettre d’approfondir et d’étayer ces principes d’organisation. Mais à partir de l’abbatiat d’Étienne Harding, une législation apparaît sous la forme de La Charte de charité et d’unanimité, qui règle les relations entre les abbayes-mères et leurs succursales et petites filiales. La multiplication des fondations et l’extension de ce nouveau monachisme appellent une nouvelle réflexion sur leur administration. Pour Philippe Racinet, « l’organisation cistercienne est un chef-d’œuvre de la construction institutionnelle médiévale ». L’exemption de la juridiction épiscopale permet à l’ordre de Cîteaux de développer deux institutions qui feront sa force : le système des visites des abbés-prêtres et le chapitre général annuel. A la même époque, très probablement entre 1097 et 1099, l’abbé Étienne fait rédiger le compte des fondations.
Les nouveaux venus, intégrés dans des établissements géographiquement éloignés, recevaient une formation appropriée dans la maison qui les accueillait. Pour favoriser la cohésion, éviter les discordes et établir des relations organiques entre les monastères, Étienne rédige en 1114 une Charte d’unanimité et de charité. Cette charte, en tant que document juridique, « règle le contrôle et la continuité de l’administration de chaque maison, définit les relations des maisons entre elles et assure l’unité de l’ordre ». Elle n’est achevée qu’en 1119 ; puis, en raison de nouvelles difficultés, elle est modifiée vers 1170 pour donner naissance à la Charte de charité postérieure.



Dans l’esprit, elle s’éloigne du modèle clunisien d’une « famille » hiérarchisée, offrant une large autonomie à chaque monastère. Cîteaux reste l’autorité spirituelle garante de « l’observance de la sainte règle » établie dans le « nouveau monastère ».
Chaque monastère, selon le principe de la charité, se devait d’aider les fondations les plus démunies, tandis que les abbayes-mères assuraient le contrôle et l’élection des abbés au sein des abbayes-branches. L’abbé de Cîteaux, par ses conseils et lors de ses visites, conservait une autorité supérieure. Chaque abbé devait se rendre à Cîteaux chaque année, autour de la fête de la Sainte-Croix, le 14 septembre, pour le chapitre général, organe suprême de gouvernement et de justice, à l’issue duquel étaient promulgués les statuts. Cette procédure n’était pas tout à fait originale, puisqu’elle remontait également aux origines de l’ordre de Vallombreuse, mais elle s’inspirait de la convention entre Molesmes et Aulps, signée en 1097 sous l’abbatiat de Robert. A partir de la fin du XIIe siècle, le chapitre est assisté d’un comité de définiteurs nommés par l’abbé de Cîteaux : c’est le Définitoire. Les cisterciens acceptaient cependant le soutien et le contrôle de l’évêque local en cas de conflit au sein de l’ordre. Ainsi, à partir de 1120, sur le plan juridique et normatif, l’essentiel de ce qui constitue l’ordre repose sur des principes solides et cohérents.

« Bernardus valles amabat », « Bernardus aimait les vallées ». Le choix du site cistercien correspondait souvent à ce proverbe, comme le montre la toponymie cistercienne : abbaye cistercienne, Clairvaux, Bellevaux, Clairefontaine, Droiteval… La vallée boisée devait contenir, sur de grandes surfaces, tous les ingrédients répondant aux besoins de la vie monastique, sans pour autant être trop éloignée des grands axes routiers.
L’emplacement devait permettre l’isolement, conformément à une vie hors du monde ; en outre, il fallait tenir compte des relations possibles avec les seigneurs locaux. Selon Terryl N. Kinder, les vallées « délimitaient un territoire « neutre » où les nobles belligérants des deux camps étaient en trêve, mais qui, en raison de sa position stratégique, n’était d’aucune utilité pour les besoins domestiques ». Mais surtout, les vallées étaient disponibles, donc peu attrayantes.

Il ne faut cependant pas exagérer le caractère insalubre de ces lieux ; les cisterciens ne recherchaient pas délibérément des marais insalubres. Les nombreuses références à des « lieux d’horreur » dans les documents anciens renvoient à des topoï bibliques. Le site devait présenter des avantages et des ressources suffisants, et souvent le choix initial ne présentait pas toutes les caractéristiques requises. Les fondations étaient donc souvent longues et dangereuses, et la nouvelle abbaye n’était consacrée qu’à condition que l’oratoire, le réfectoire, le dortoir, le logement et la loge du portier soient bien situés.

Selon Kinder, si le choix d’une fondation dépendait d’un « savant mélange de piété, de politique et de pragmatisme, le paysage a pu jouer un rôle dans la formation de la spiritualité du nouvel ordre ».
La spiritualité cistercienne, conforme à l’idéal de pauvreté en vogue à l’époque, a suscité de nombreuses vocations, notamment grâce à l’énergie et au charisme de Bernard de Clairvaux. L’ordre a également reçu de nombreuses donations de la part des humbles comme des puissants. Parmi ces donateurs figurent des personnalités de premier plan telles que les rois de France, d’Angleterre, de Navarre, d’Aragon, de Castille, puis d’Espagne et du Portugal, le duc de Bourgogne, le comte de Champagne, des évêques et des archevêques.



Cette évolution a favorisé le développement des branches de l’ordre qui, à la mort de Bernard, comptait trois cent cinquante monastères, dont soixante-huit fondés par Clairvaux. L’expansion se fait par diaspora, par remplacement ou par incorporation.

La lignée de Clairvaux compte jusqu’à 350 monastères, celle de Morimond plus de 200, celle de Cîteaux une centaine, celle de Pontigny seulement quarante et celle de La Ferté moins de vingt. Dès 1113, les premières moniales s’installent au château de Jully. Elles s’établissent en 1128 à l’abbaye de Tart, dans le diocèse de Langres, et adoptent le nom de « Bernardines ». Les monastères de Saint-Antoine et de Port-Royal-des-Champs, en banlieue parisienne, sont les plus célèbres de ceux que les moniales occuperont par la suite.
La croissance de l’ordre avec la fondation de centaines d’abbayes et l’incorporation de plusieurs congrégations – celle de Savigny, qui compte trente monastères, et celle d’Obazine du vivant de saint Bernard – modifie l’uniformité des coutumes. En 1354, l’ordre comptait 690 maisons d’hommes et s’étendait du Portugal à la Suède, de l’Irlande à l’Estonie et de l’Ecosse à la Sicile. La plus grande concentration se trouve cependant en France, en particulier en Bourgogne et en Champagne.

Vers 1125, des bénédictines quittent leur prieuré de Jully-les-Nonnains et s’installent à l’abbaye de Tart, demandant la protection de l’abbé des cisterciens, Stephen Harding, qui la leur accorde en 1132. D’autres monastères sont alors créés et rejoignent l’ordre. Tart, l’abbaye mère, accueille le chapitre général annuel des abbesses. Vers 1200, la France compte dix-huit monastères de moniales cisterciennes. Au XIIe siècle, les moniales fondent des abbayes en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, au Danemark et en Espagne. Certaines de ces fondations espagnoles existent encore, comme la première du monastère de Santa María de la Caridad de Tulebras (Navarre), fondée vers 1147 par García Ramírez el Restaurador, ou le monastère royal de Las Huelgas à Burgos, créé en 1187 par Alphonse VIII de Castille, qui sont toujours affiliés à l’ordre cistercien.
Avec l’intervention plus ou moins directe de saint Bernard comme arbitre, conseiller ou guide spirituel dans les grandes questions du siècle, l’ordre cistercien a assumé le rôle de gardien de la paix religieuse. Avec le soutien de la papauté, des rois et des évêques, l’ordre prospère et se développe. Les autorités laïques et ecclésiastiques souhaitent qu’il insuffle son esprit dans l’Église régulière et séculière. Ainsi, Pierre, abbé de la Ferté, est élevé à la dignité épiscopale vers 1125. L’ordre semble destiné à jouer un nouveau rôle dans la société, rôle qu’il avait refusé d’assumer jusqu’alors tout au long du siècle.

Au XIIe siècle, l’ordre cistercien exerce une grande influence politique. Bernard de Clairvaux a eu une influence décisive sur l’élection du pape Innocent II en 1130, puis d’Eugène III en 1145. Cet ancien abbé cistercien a prêché, à la demande de l’ordre, la deuxième croisade qui a conduit Louis VII et Conrad II en Terre sainte. C’est Bernard qui fait reconnaître l’Ordre du Temple. Au XIIe siècle, l’ordre fournit à l’Église quatre-vingt-quatorze évêques et le pape Eugène III.
Cette expansion a assuré aux cisterciens une place de choix non seulement dans le monachisme européen, mais aussi dans la vie culturelle, politique et économique. Bernard, maître à penser de la chrétienté, appelle les seigneurs à la reconquête de la Terre sainte le 16 février 1147 ; les cisterciens prêchent lors de la troisième croisade (1188-1192) et certains frères y participent personnellement. L’ordre fut actif dans l’évangélisation du Midi de la France et dans la lutte contre les Cathares, dont la doctrine était condamnée et combattue par l’Église. Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, est nommé légat par le pape et organise la croisade contre les Albigeois. Les cisterciens précèdent les dominicains dans ces territoires, où ils assurent la prédication et organisent la répression de l’hérésie. Ils sont chargés de missions de christianisation et, protégés par la branche séculière, ils pénètrent en Prusse et dans les provinces baltes.

Défenseurs des intérêts du Saint-Siège, ils prennent parti dans la querelle entre le pape et l’empereur, où les cisterciens soutiennent les visées théocratiques du pontife. Sur le plan institutionnel, cette crise renforce l’ordre qui cherche à gagner en cohérence. A la faveur de ces nouvelles prérogatives, « une nouvelle communauté est née qui s’éloigne du modèle créé par les pères fondateurs, mais qui n’est ni pervertie ni pervertissante ; c’est ce que l’on pourrait appeler le second ordre cistercien ».
En 1334, un cistercien, ancien abbé de l’abbaye de Fontfroide, devient dignitaire pontifical sous le nom de Benoît XII. Sous son pontificat, l’ordre gagne en cohérence et se dote d’une nouvelle organisation en 1336, sous la forme de la Constitution bénédictine. Sous son pontificat, l’ordre gagne en cohérence et élabore une nouvelle organisation en 1336, sous la forme de la Constitution « bénédictine ». Le chapitre général exercera désormais un contrôle plus étroit sur la gestion des finances et des biens immobiliers des abbayes, fonction qui dépendait jusqu’alors du seul pouvoir de l’abbé. Ainsi, dans la première moitié du XIVe siècle, et fidèle à l’esprit des débuts, l’ordre jouit d’un ascendant sur l’ensemble de la chrétienté. La Constitution souligne l’importance de son action au sein de l’Église.
Grâce aux nombreuses adhésions et donations, mais aussi à une parfaite organisation et à une grande maîtrise technique et commerciale dans une Europe en pleine expansion économique, l’ordre devient rapidement un protagoniste dans tous les secteurs. Mais l’extraordinaire réussite économique de l’ordre au XIIIe siècle se retournera finalement contre lui. Les abbayes acceptent de nombreuses donations, parfois sous forme de parts de moulins ou de censives. Les abbayes ont ainsi recours au fermage ou au métayage, alors que l’Ordre exploitait à l’origine ses terres grâce au travail manuel des convertis. Le développement économique est difficilement compatible avec la vocation initiale de pauvreté qui a fait le succès de l’ordre au XIIIe siècle. En conséquence, le déclin des vocations rend le recrutement des convertis de plus en plus difficile. Les cisterciens ont alors de plus en plus recours au travail salarié, en contradiction avec les préceptes originels de l’ordre.
Si l’ordre conserve un réel pouvoir économique au XIVe siècle, il est confronté à la crise économique qui débute et s’aggrave avec la guerre de Cent Ans (1337-1453). De nombreuses abbayes s’appauvrissent. Si, pendant la guerre de Cent Ans, certains monastères cisterciens bénéficient d’une relative autonomie, le conflit met à mal de nombreux établissements. En particulier, le royaume de France est exploité par des compagnies de mercenaires, très présentes en Bourgogne et sur ses grandes routes commerciales. En 1360, les frères de Cîteaux sont contraints de se réfugier à Dijon. Le monastère est pillé en 1438. Frappé par la désaffection et l’effondrement démographique dus à la guerre et à la Grande Peste qui tue un tiers de la population du continent en 1348, l’ordre est confronté au déclin de ses communautés.



De même, à partir du XIIIe siècle, avec le développement des villes et des universités, les cisterciens, installés principalement dans des lieux reculés, perdent leur influence intellectuelle au profit des ordres mendiants qui prêchent dans les villes et fournissent aux universités leurs plus grands professeurs.
Le Grand Schisme d’Occident (1378-1417) porte un coup sévère à l’unité de l’ordre. D’une part, l’exacerbation des particularismes nationaux porte atteinte à l’unité ; d’autre part, les deux papes rivalisent de générosité pour s’assurer le soutien des monastères, ce qui porte « un préjudice considérable à l’uniformité de l’observance ». Les conséquences du schisme et des guerres hussites sont particulièrement douloureuses pour les monastères situés aux confins orientaux de l’Europe. Les abbayes de Hongrie, de Grèce et de Syrie furent détruites lors des conquêtes ottomanes. La tenue d’un chapitre général plénier dans ces conditions devient de plus en plus difficile en raison des conflits armés, mais aussi des distances qui séparent les différentes communautés.
Mais selon Lekai, le système imposé par le pape Grégoire XI (1370-1378) avec l’encomienda « a infligé plus de dégâts matériels et moraux que les guerres, les catastrophes et la Réforme réunies ». Ce pape, sous prétexte d’être le gardien des ordres monastiques, a imposé son droit de nommer les abbés. Les rois revendiquaient également dans leurs concordats leurs droits féodaux de nommer les abbés. Pour Lekai, « à partir de cette époque, le système de libre élection, chef-d’œuvre des réformes monastiques du Moyen Âge, est remplacé par la nomination, la politique l’emportant sur l’intérêt vital de la religion ». Dès lors, l’élection des abbés parmi le personnel de la cour royale ou les laïcs était courante et peu d’entre eux résidaient dans le monastère. Ils s’occupent surtout des revenus monétaires du monastère, qui sont répartis entre l’abbé (la part du lion) et la communauté selon une répartition fixée par la loi. Ainsi, en France, en 1789, sur les 228 monastères subsistants, 194 étaient en commende. C’est en Italie que les résultats des encomiendas sont les plus négatifs. Ainsi, le visiteur de l’Ordre a déclaré qu’en 1551, sur les 35 abbayes confiées, 16 n’avaient aucun moine dans leurs abbayes et les 19 autres avaient un total de 86 moines avec une moyenne de 4 par monastère.

Dans les régions orientales de l’Occident et dans la péninsule ibérique, la situation n’est pas la même. Dans les bâtiments de Bohême, de Pologne, de Bavière, d’Espagne et du Portugal, un mouvement de reconstruction d’inspiration baroque se met en place.
Néanmoins, une certaine volonté de réforme se manifeste dans le royaume de France. Le chapitre général de 1422 se prononce clairement sur la question : « Notre Ordre, dans les diverses parties du monde où il est répandu, semble déformé et décomposé en ce qui concerne la discipline régulière et la vie monastique ». Le système des visites est rétabli. L’urgence d’une réforme ne tarde pas à se manifester dans l’ensemble de l’ordre. En 1439, une rubrique des définiteurs est promulguée pour rappeler les exigences de la vie monastique, les différents interdits vestimentaires et alimentaires, et la nécessité de dénoncer les pratiques abusives.

Dans ce contexte, un mouvement de réaffirmation de la discipline et des exigences spirituelles se développe dans les Pays-Bas, en Bohême puis en Pologne, avant de conquérir l’ensemble de l’Europe. Certains monastères se réunissent localement, sous l’impulsion des communautés ou du pouvoir pontifical, pour former des congrégations de plus en plus autonomes par rapport au chapitre général. Cependant, profitant de la reconquête de la Bourgogne par Louis XI, Jean de Cirey, abbé de Cîteaux, retrouve son rôle de chef de l’ordre, perdu depuis le Grand Schisme. En 1494, il réunit les abbés les plus influents au Collège des Bernardins où sont promulgués les articles réformateurs dits « de Paris ». Bien qu’elle soit bien accueillie, la réforme est cependant peu visible et souvent due à des initiatives individuelles éphémères.
Le mouvement de la Réforme protestante provoque un profond bouleversement. Un grand mouvement de désertion touche les communautés d’Europe du Nord et les princes gagnés à la Réforme confisquent les biens de l’ordre. Les monastères anglais, puis écossais et enfin irlandais, sont confisqués entre 1536 et 1580. Plus de deux cents établissements disparaissent avant la fin du XVIIe siècle.
Le précédent du grand schisme d’Occident, où les cardinaux divisés avaient élu deux papes, a provoqué de grandes divisions dans l’Ordre. Ainsi, le pape de Rome renvoya l’abbé des cisterciens pour avoir accepté les directives d’Avignon. Les abbés sont contraints de se réunir en chapitres nationaux et chaque pape favorise les abbayes qui lui sont fidèles. Lorsque le schisme prit fin, les tentatives de séparatisme ne cessèrent pas pour autant. La célébration régulière du chapitre général institué par la Charte de Charité avait permis de préserver l’unité. L’impossibilité pour les abbés de maintenir le voyage annuel à cause des guerres, des schismes et des relâchements rendit impossible le maintien de l’unité. Ainsi, après la Réforme protestante et avec la montée des nationalismes, les monastères de l’Ordre se sont fragmentés dans toute l’Europe en groupes nationaux indépendants du Chapitre général. Les congrégations qui ont vu le jour à partir du XVe siècle ont tenté de recréer individuellement l’esprit cistercien, en l’adaptant aux différents mouvements de réforme qui ont vu le jour. Les congrégations les plus importantes sont : en 1425, la Congrégation de Castille ; en 1497, la Congrégation de Saint-Bernard en Italie ; en 1567, la Congrégation du Portugal ; en 1616, la Congrégation de la Couronne d’Aragon ; en 1623, la Congrégation romaine et la Congrégation de Haute-Allemagne ; en 1806, la Congrégation helvétique et en 1894, la Congrégation suisse alémanique.
Avec le mouvement de réforme catholique, l’ordre cistercien a été confronté à de profonds changements au niveau constitutionnel. L’organisation devint provinciale et quelques changements furent introduits dans l’administration centrale. Des congrégations aux liens ténus ou inexistants avec la maison mère et le chapitre général fleurissent dans toute l’Europe.



En France, une réforme au caractère original voit le jour sous l’impulsion de l’abbé Jean de la Barrière (1544-1600). Ancien commandeur du monastère des Feuillants en Haute-Garonne, il fonde les congrégations des « feuillants », approuvées par Sixte V en 1586. Il établit dans sa communauté une tradition d’austérité particulière, fondée sur un retour à l’idéal cistercien primitif, qui trouve des imitateurs en Italie et au Luxembourg. Dans ces conditions, le Chapitre général devient une institution défunte. Il ne produit qu’une seule réunion de 1699 à 1738. Cet état de fait profite finalement à l’abbé de Cîteaux, seule autorité à offrir des gages de visibilité aux yeux du monde et que certaines sources qualifient souvent d' »abbé général ». En 1601, un noviciat commun est imposé afin de maintenir une discipline unique et de pallier les difficultés de recrutement.
Au XVIIe siècle, l’histoire de l’ordre est perturbée par un conflit que l’historiographie rappelle sous le nom de « guerre des observances », qui dure de 1618 aux premières années du XVIIIe siècle et donne lieu à de nombreuses et dures controverses au sein de la famille cistercienne. Ce conflit portait, au moins en apparence, sur le respect des obligations régulières, en particulier l’abstinence de consommation de viande. Au-delà de cette question, l’enjeu est l’acceptation ou le rejet de l’ascétisme. La controverse s’amplifie avec les conflits locaux entre monastères rivaux. Dans un premier temps, à l’instar d’Octave Arnolfini, abbé de Châtillon, et d’Étienne Maugier, Denis Largentier introduit une réforme très austère à Clairvaux et ses filiales entre 1615 et 1618. Une proposition de généralisation est alors présentée au chapitre général de 1618 et adoptée.
C’est l’acte de naissance de la Stricte Observance. Grégoire XV soutient l’initiative des réformateurs. Mais après une assemblée, la congrégation provoque le mécontentement de l’abbé de Cîteaux, Pierre de Nivelle, qui entend dénoncer « une prétendue congrégation tendant à la division, à la séparation et au schisme, qui ne peut en aucune manière être tolérée ». En 1635, le cardinal de Richelieu convoque un chapitre « national » à Cîteaux, à la suite duquel Pierre de Nivelle est contraint d’abdiquer. Les deux partis finirent par avoir leurs propres structures administratives, mais si la Stricte Observance conserva le droit d’envoyer dix abbés au Définitoire, elle resta soumise à Cîteaux et au Chapitre général.

Par son influence, l’expérience d’Armand Jean le Bouthillier de Rancé au monastère de La Trappe est restée emblématique des exigences de la stricte observance et des aspirations réformatrices. Son rayonnement, tant à l’intérieur de son monastère que dans le monde, est un modèle de la vie monastique du « Grand Siècle ».

Il a déjà été souligné qu’en Allemagne, la Réforme protestante de Luther et, en Angleterre et en Irlande, la Réforme anglicane d’Henri VIII ont mis fin à l’ordre. Ainsi, en Allemagne, à partir de 1520, les princes convertis au protestantisme confisquent les abbayes. En Angleterre, Henri VIII supprime les ordres religieux catholiques, qui alimentent le trésor royal entre 1536 et 1539. En Irlande, ce sont les démolitions systématiques de l’île par Cromwell en 1649 qui mettent fin aux cisterciens.
En 1782, dans l’empire des Habsbourg, Joseph II, partisan des Lumières, déclare les ordres contemplatifs inutiles, les dissout et confisque leurs biens. La plupart des abbayes cisterciennes disparaissent avec le décret impérial.

La Révolution française déclare la liberté religieuse le 23 août 1789, confisque les biens religieux en novembre 1789 et les met en vente le 17 mars 1790. La révolution s’étend alors à toute l’Europe et la plupart des pays européens imitent la mesure française de vente des biens religieux. Les acquéreurs transforment les monastères en carrières de pierre, en usines ou en entrepôts. En général, la plupart d’entre eux tombent en ruine.

En Espagne, la vente des biens religieux a eu lieu avec la loi de 1835, connue sous le nom de Désenchantement de Mendizábal. En Italie, la suppression de l’Ordre et la vente de ses biens sont liées à la Révolution française de 1798, aux processus révolutionnaires dans diverses républiques, comme la République cisalpine en 1799, et à un édit de Napoléon en 1818. Au Portugal, la suppression et la vente des biens de l’Ordre ont eu lieu en 1854.
La Révolution française et ses conséquences ont presque complètement anéanti les monastères en Europe et les quelques communautés qui ont survécu se sont retrouvées isolées. La disparition des cisterciens et de leur dernier abbé général, la non-tenue des chapitres généraux, ont laissé l’Ordre désorganisé et sans direction, ce qui a rendu encore plus difficile la restauration de l’Ordre, qui avait besoin d’une direction qui apporterait l’uniformité. En outre, après la Révolution française, le monde avait radicalement changé. Les monastères survivants du début du 19e siècle ne pouvaient plus être de simples continuateurs des traditions monastiques antérieures. La nouvelle position humble qu’occupaient les cisterciens contrastait avec les privilèges que l’Ordre avait détenus auparavant.

Pour Leroux-Dhuys, après la Révolution française, rien ne pouvait plus être comme avant et l’Église avait perdu ses alliés politiques traditionnels. Les nouveaux nationalismes ne pouvaient pas non plus admettre à l’intérieur de leurs frontières des ordres religieux à vocation internationale. Pour Leroux, la renaissance des abbayes cisterciennes au XIXe siècle est due à des initiatives isolées et non coordonnées, et les vieilles confrontations entre les deux observances perdurent. Ainsi, lorsque les moines refondent leurs statuts vers la fin du XIXe siècle, leur seule motivation est religieuse, détachée des intérêts politiques ou économiques qui avaient accompagné leur engagement spirituel au cours des siècles précédents.
Avant la Révolution française, très peu d’abbayes suivaient l’observance établie à La Trappe par l’abbé Rancé. Pendant la Révolution française, le maître des novices de La Trappe, Augustin de Lestrange, s’était enfui avec plusieurs moines en Suisse, s’installant dans une chartreuse abandonnée à la Valsainte. C’est là que Lestrange élabora un nouveau règlement pour ses moines, beaucoup plus sévère que celui de Rancé. Après la chute de Napoléon, Lestrange et ses moines trappistes revinrent en France en 1815 et rétablirent le monastère de La Trappe. Peu après, cinq autres monastères furent ouverts.

Lors de la restauration des trappistes, des problèmes d’observance sont apparus entre eux. Certains monastères reviennent aux anciennes règles de Rancé, estimant que les nouvelles règles établies par Lestrange à la Valsainte sont extrêmes et ne reflètent pas les traditions cisterciennes. En 1825, six abbayes françaises suivaient les règles de Lestrange, tandis que cinq étaient revenues aux règles de Rancé.

En 1847, Pie IX accepta l’existence de deux congrégations trappistes indépendantes ayant des règles disciplinaires différentes. Les abbayes qui suivaient les règles de Lestrange formaient la Nouvelle Réforme, tandis que celles qui suivaient les règles de Rancé étaient appelées l’Ancienne Réforme. En 1864, la Nouvelle Réforme trappiste comptait quinze abbayes et douze cent vingt-neuf moines, tandis que l’Ancienne Réforme trappiste comptait huit abbayes et quatre cent quatre-vingt-trois moines.
Au même moment, en Italie, la restauration de l’ordre cistercien commence à Rome sur les instructions du pape. Pie VII rétablit Casamari en 1814 et, trois ans plus tard, deux autres anciens monastères à Rome. En 1820, alors que les établissements sont déjà au nombre de six, leurs représentants se réunissent en chapitre. Ils décidèrent de s’appeler Congrégation italienne de Saint-Bernard, s’imposèrent la constitution de la Congrégation de Lombardie et de Toscane, aujourd’hui disparue, et se réunirent désormais tous les cinq ans en chapitres de congrégation et élurent un président général.

La restauration de la commune observance en France se fait grâce à Léo Barnouin dans l’ancienne abbaye cistercienne de Sénanque. La nouvelle Congrégation est affiliée à la Congrégation de Saint-Bernard en Italie. Elle prend ensuite son indépendance et décide de former la Congrégation de Sénanque en 1867. En quelques années, elle a pu s’implanter dans trois autres monastères abandonnés. C’est la seule congrégation de la Commune Observance qui maintient une vie contemplative, mais avec une discipline moins sévère que celle des Trappistes.
Dans l’Empire austro-hongrois, treize abbayes ont survécu à la dissolution de l’empereur Joseph II : huit en Autriche, deux en Bohême, deux en Pologne et une en Hongrie. Elles ont conservé la plupart de leurs propriétés du XVIIIe siècle. Ces communautés monastiques étaient tolérées par le gouvernement, mais elles devaient effectuer un travail pastoral ou s’engager dans l’enseignement ou dans d’autres activités. Il leur était interdit d’avoir des relations avec le pape ou d’autres supérieurs étrangers et elles étaient supervisées par les évêques diocésains. En 1854, les 13 communautés comptaient 433 moines. Les tâches pastorales empêchaient les moines de se consacrer à la contemplation.

Le besoin d’indépendance des trappistes se fit sentir en 1869 lorsque Theobald Cesari, abbé de Saint-Bernard à Rome et président général de sa congrégation, convoqua le premier chapitre général cistercien depuis 1786, auquel il n’appela que les abbés de la commune observance. Ce chapitre général élit un abbé général de la commune observance et lui confie la juridiction sur les trappistes.
En 1876, le chapitre trappiste demanda au pape de lui accorder un abbé général trappiste indépendant. Léon XIII convoqua un chapitre extraordinaire à Rome en 1892, auquel participèrent des représentants de toutes les congrégations trappistes. Cette assemblée a discuté de la fusion des congrégations trappistes, de l’élection d’un seul supérieur général indépendant et a convenu d’observances communes. La création d’une branche totalement indépendante de la famille cistercienne a reçu l’approbation de Léon XIII dans un bref en 1893. La nouvelle constitution trappiste, basée sur la Charte de Charité et les traditions cisterciennes, telles qu’interprétées par Rancé, fut publiée en 1894. En 1902, Léon XIII publia une nouvelle constitution apostolique dans laquelle il appela la nouvelle branche « Ordre des Cisterciens Réformés ou de la Stricte Observance ».

L’expansion des trappistes au XIXe siècle a suivi la chronologie suivante : en 1815, ils sont revenus en France et, dix ans plus tard, ils ont fondé onze maisons pour les moines et cinq pour les moniales. En 1855, les moines comptent vingt-trois abbayes pour moines et huit maisons pour moniales, dont quatre en Belgique, deux aux États-Unis, une en Irlande, une en Angleterre et une en Algérie. En 1894, les Trappistes s’étaient également répandus en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Hollande, en Espagne, au Canada, en Australie, en Syrie, en Jordanie, en Afrique du Sud et en Chine, et comptaient cinquante-six monastères pour un total de trois mille moines.

L’expansion s’est poursuivie au cours des deux premières décennies, mais la Première Guerre mondiale a touché de nombreuses abbayes et la Seconde Guerre mondiale a été une période bien plus destructrice pour l’Ordre.
Depuis les années 1950 et 1960, on assiste à une forte remise en question des normes et traditions reçues au sein de l’Ordre, ainsi qu’à un déclin et à un vieillissement significatifs de ses membres.

A côté des cisterciennes officiellement incorporées dans l’une ou l’autre des deux branches, il existe de nombreuses communautés de femmes vivant dans une sphère d’influence spirituelle cistercienne, soit dans un ordre, soit dans une congrégation, comme les Bernardines d’Esquermes, celles d’Audenarde et celles de Suisse romande.

Après la Seconde Guerre mondiale, les trappistes parviennent à se reconstituer rapidement et font preuve d’une grande vitalité. En 1947, ils comptent soixante-quatre maisons et quatre mille moines.

Les conséquences du Concile Vatican II entraînèrent un grand renouveau sur tous les plans : nouvelles formes liturgiques, refonte de la discipline et du gouvernement des abbayes, ce qui provoqua des divisions entre les communautés monastiques. Les abbayes européennes n’ont pas jugé nécessaire de procéder à des réformes radicales, mais les moines américains, plus progressistes, ont été à l’origine de profonds changements. Quatre chapitres généraux successifs (de 1967 à 1974) s’attaquèrent au renouveau, décidant d’abandonner le gouvernement centralisé, l’uniformité des observances et les changements majeurs dans la liturgie. Le latin et le chant grégorien deviennent facultatifs et sont conservés dans quelques communautés.
Les anciennes constitutions ont commencé à être révisées. Ainsi, le principe d’autorité a changé et la communauté doit être consultée avant toute prise de décision. Le mandat n’est plus à vie et les abbés, y compris l’abbé général, sont élus pour une durée déterminée qui est renouvelée si cela est jugé opportun. En ce qui concerne les coutumes et observances, le chapitre sur les fautes a été supprimé, la nourriture et la tenue vestimentaire ont été assouplies, l’obligation de dormir dans des dortoirs communs a été supprimée et le sommeil dans des cellules individuelles a été autorisé. Les règles concernant le silence et la séparation du monde ont été assouplies.

L’Observance commune entame le XXe siècle en s’agrandissant. En 1925, elle s’est jointe au programme de mission du pape Pie XI pour répandre le catholicisme dans d’autres pays. Les cisterciens n’occupent plus de missions isolées et établissent des centres d’enseignement dans plusieurs pays.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Ordre a souffert dans plusieurs pays européens. Le pire s’est produit dans la période d’après-guerre, dans les pays qui sont tombés dans l’orbite communiste. Les communautés de Tchécoslovaquie et de Hongrie ont été sécularisées. En Pologne, bien que placées sous le contrôle de l’État, elles ont réussi à survivre.
Dans la commune observance, le renouveau n’est pas aussi révolutionnaire que dans la stricte observance. L’idée de pluralité ou d’autonomie locale était déjà répandue dans la plupart des congrégations. Le Chapitre général a traité du renouveau en 1968 et 1969 en établissant une nouvelle constitution pour le gouvernement de l’Ordre. Cette nouvelle constitution considère l’Ordre comme une union de congrégations gouvernée par un Chapitre général présidé par un Abbé général. L’abbé général est élu par le chapitre général pour dix ans et est assisté de quatre membres élus par le chapitre. La réglementation et l’organisation de la vie monastique est une affaire interne à chaque congrégation, dirigée par son propre abbé-président et un chapitre de congrégation.

La crise des vocations qui a commencé dans les années 1960 a été très négative pour plusieurs communautés. En 1974, elles étaient au nombre de mille cinq cent quarante-sept, soit une diminution de 10 % par rapport à 1950.

Les cisterciens en Espagne

L’ordre cistercien est arrivé en Espagne en 1140 avec la fondation du monastère de Niencebas par le moine français Raymond de Saint Gaudens, connu plus tard sous le nom de Saint Raymond de Fitero. Ce monastère fut ensuite transféré dans la ville de Fitero, où fut fondé le monastère de Santa María la Real de Fitero. Dès lors, l’ordre n’a cessé de se répandre dans la péninsule.

En Espagne, il existe deux « provinces » ou « congrégations » : la Congrégation de Saint-Bernard de Castille et la Congrégation d’Aragon.
Le XVIIe siècle a été l’âge d’or de la Congrégation de Castille, avec quarante-cinq abbayes.

Aujourd’hui, trois monastères masculins et trois monastères féminins appartiennent à la Congrégation d’Aragon.

Monastères masculins :

Monastères féminins :

En Espagne, les trappistes, après la sécularisation, se sont développés dans les années 1920 à La Oliva, Huerta et Osera, puis ont été touchés par la guerre civile de 1936-1939. C’est ainsi que Viaceli, à Santander, fut bombardé par les Républicains et que certains de ses membres furent tués.

En 1940, la Commune Observance ouvre la première maison espagnole dans l’abbaye médiévale de Poblet, par l’intermédiaire de la Congrégation de Saint-Bernard d’Italie. En 1967, Poblet a fondé une deuxième maison à Solius.

Spiritualité cistercienne

Les Cisterciens ont marqué l’histoire par leur spiritualité qui s’est répandue dans tous les secteurs de la société. Ce sont des hommes de prière qui cherchent à observer la règle de saint Benoît et à guider les fidèles vers « la contemplation du Christ incarné et de sa mère, Marie ». Cette spiritualité se fonde sur une théologie qui exige l’ascèse, la paix intérieure et la recherche de Dieu.
Le but de la spiritualité cistercienne est d’être attentif à la parole de Dieu et de s’en imprégner. En entrant au monastère, le moine laisse tout derrière lui. Sa vie est rythmée par la liturgie. Rien ne doit le perturber dans sa vie intérieure. La fonction du monastère est de favoriser cet aspect de la spiritualité cistercienne. Les rituels cisterciens sont précisément codifiés dans l’Ecclesiastica officia. L’architecture des monastères devait répondre à cette fonction, en suivant les instructions précises de Bernard de Clairvaux. La vie quotidienne du moine, menée de manière mécanique, est la condition de sa paix intérieure et de son silence, favorisant la relation avec Dieu. « Tout doit y conduire et non s’en éloigner ».

Ainsi, les trappistes mesurent le temps qu’ils accordent à la parole. Sans faire vœu de silence, ils réservent le temps de parole à la communication nécessaire au travail, aux dialogues communautaires et aux entretiens personnels avec le supérieur et le guide spirituel. Les conversations spontanées sont réservées aux occasions spéciales. Les trappistes, à la suite des Pères du désert et de saint Benoît, considèrent que le fait de parler peu permet d’approfondir la vie intérieure ; le silence fait partie de leur spiritualité. L’important pour eux est de ne pas se disperser en paroles qui altèrent la disposition de l’homme à parler, dans son cœur, avec Dieu, et ils considèrent aussi que les choses importantes que le moine a à dire doivent être dites et entendues : d’où l’importance de l’appel des frères en conseil.
Cherchant à mieux connaître l’homme et sa relation avec Dieu, les cisterciens ont développé une nouvelle théologie de la vie mystique, nourrie par les Saintes Écritures et les apports des Pères de l’Église et du monachisme, en particulier saint Augustin et saint Grégoire le Grand. Bernard de Clairvaux, dans son traité De amore Dei (De l’amour de Dieu), ou Guillaume de Saint Thierry, d’abord abbé bénédictin puis moine cistercien au XIIe siècle, ont été les sources de cette école spirituelle et ont développé une littérature descriptive sur les états mystiques.

Pour Bernard de Clairvaux, « l’humilité est une vertu par laquelle l’homme se rend méprisable à ses propres yeux, parce qu’il se connaît mieux ». Cette connaissance de soi doit passer par un retour sur soi. Par la connaissance de sa propension au péché, le moine doit exercer, comme Dieu, la miséricorde et la charité envers tous les hommes. S’acceptant tel qu’il est par cette conduite d’humilité et de travail intérieur, l’homme, qui connaît sa propre misère, est capable de partager celle de son prochain.

Selon Bernard de Clairvaux, il faut arriver à aimer Dieu par amour pour soi et non seulement pour Lui. La prise de conscience que l’on est un don de Dieu ouvre à l’amour de tout ce qui est à Lui. Pour saint Bernard, cet amour est le seul moyen d’aimer le prochain, car il permet de l’aimer en Dieu. Enfin, après ce cheminement intérieur, on arrive au dernier degré de l’amour, qui est d’aimer Dieu pour l’amour de Dieu et non pour le sien.
Pour Bernard de Clairvaux, l’homme, en raison de son libre arbitre, a la possibilité de choisir, sans contrainte, de pécher ou de suivre le chemin qui mène à l’union avec Dieu. Par l’amour de Dieu, il lui est possible de ne pas pécher et d’atteindre le sommet de la vie mystique, ne désirant rien d’autre que Dieu.

La pensée de Guillaume de Saint-Thierry rejoint celle de saint Bernard en considérant que l’amour est l’unique moyen de surmonter le dégoût que nous éprouvons pour nous-mêmes. Au terme du cheminement intérieur, l’homme est réformé à l’image de Dieu, c’est-à-dire tel qu’il était voulu avant la séparation causée par le péché originel.

Ce qui pousse les cisterciens à quitter le monde et à entrer au monastère, c’est la possibilité d’une union amoureuse avec le Créateur. Union vécue par la Vierge Marie, qui est le modèle de la vie spirituelle cistercienne. C’est pourquoi les moines cisterciens lui vouent une dévotion particulière.

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